INAUGURATION DU MUSEE MEMORIAL DU CAMP DES MILLES
Jusqu'en 1942, plus de 10 000 personnes sont incarcérées au Camp des Milles. D'abord camp d'internement pour des antifascistes de 27 nationalités, le camp des Milles devient un lieu de transit avant la déportation de milliers de juifs vers le camp de concentration d'Auschwitz. Ce camp est une ancienne tuilerie postée le long des rails en lisière du village des Milles. Et pourtant... Ce lieu de sinistre mémoire a connu un destin exceptionnel. Lors du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, la grande tuilerie de la famille Rastoin ne fonctionne plus. La crise est passée par là, les commandes sont en berne et le grand four Hoffmann est en panne. Le commandement militaire français réquisitionne ce site de 7 hectares pour y interner les "ennemis" allemands. Nombre d'entre eux sont pourtant des opposants au régime d'Hitler, qui ont fui le fanatisme et pensaient avoir trouvé un havre de paix en France... Parmi les prisonniers, figurent de célèbres artistes et intellectuels allemands et autrichiens, à l'instar de Max Ernst, de Hans Bellmer ou encore de Robert Liebknecht et de Karl Bodek, avec notamment l'écrivain Walter Hasenclever qui se suicida sur place. En septembre 1939, quelque 1 850 personnes sont déjà passées par le camp.
Les stigmates de leur passage hantent toujours l'immense bâtisse, où plus de 300 oeuvres ont été créées. Sans parler des inscriptions, graffitis, dessins représentant des fleurs, des visages, des masques de commedia dell'arte, des scènes érotiques... Le plus exceptionnel, ce sont ces fresques incroyables ornant les murs du réfectoire des gardiens, dans l'ancienne menuiserie, qui faillit être détruite. Une oeuvre originale, collective et anonyme (à l'exception probable de "Gus", surnom de Gustave Erlich) témoigne de la vie à l'intérieur du camp. L'humour s'en mêle parfois et l'émotion est à son comble : "Si vos assiettes ne sont pas très garnies, puissent nos dessins vous calmer l'appétit", peut-on lire. "Nous étions assis, couchés les uns sur les autres"Tout aussi remarquable, l'aménagement dans les fours d'un lieu de spectacle baptisé "die Katakombe". Une allusion ironique à un cabaret contestataire berlinois du même nom. Des spectacles de théâtre y seront organisés, forme de résistance à l'absurdité de la situation. Car la vie dans le camp des Milles est très dure, rudimentaire, avec quatre latrines en tout et pour tout dans un lieu qui a compté jusqu'à 3 500 prisonniers à la fois. Les internés, entassés, dorment à même le sol sur d'immenses plates-formes continuellement plongées dans la pénombre, balayées par la poussière rouge et le froid qui s'engouffre par les fenêtres disjointes. Certains utilisent les tuiles pour se construire un semblant de siège, d'étagère ou une mince séparation avec le voisin. Dans Le Diable en France (Belfond), Lion Feuchtwanger rapporte : "Un nouveau flot de détenus inonda notre camp. Le rez-de-chaussée et le premier étage furent occupés jusque dans leurs recoins les plus sombres. Partout on trébuchait sur des briques, des paillasses, des hommes. Nous étions assis, couchés les uns sur les autres..." Après l'armistice, le camp est affecté au transit des "indésirables" (internés des camps du Sud-Ouest, ex-engagés des Brigades internationales antifascistes ou juifs fuyant l'Europe centrale...). C'est alors le seul camp français d'où il est possible d'essayer de "gagner l'étranger", en raison de la proximité de Marseille, de son port et de ses consulats. En août et septembre 1942, c'est au tour des juifs raflés dans la région et ailleurs ou consignés dans les hôtels marseillais, d'être regroupés aux Milles. Cette politique résulte de l'engagement de Pierre Laval, chef du gouvernement de Vichy, de livrer 10 000 juifs de la zone dite libre aux Allemands. Sur place, les suicides se multiplient : dix pour la seule journée du mercredi 12 août. Cinq convois partiront de la gare attenante, avec à leur bord plus de 2 000 juifs - dont une centaine d'enfants que les nazis ne réclamaient pas encore. Destination Drancy puis Auschwitz, où ils seront assassinés. Le dernier train s'ébranle le 10 septembre. Quelques mois plus tard, la tuilerie change de vocation. Elle devient un dépôt de munitions pour l'armée allemande puis, après le débarquement américain de 1944 sur les côtes varoises, une annexe du camp américain du Réaltor. Le camp des Milles fait parti avec le camp de Rivesaltes comme un des plus important du sud de la France. Encore intact et accessible, il est désormais un lieu d'éducation pour les plus jeunes avec un rappel historique, des documents rares sur les enfants juifs déportés de France, des traces artistiques laissées par les prisonniers sur les murs. Le "mur des actes justes" symbolisant la Résistance, ainsi que le wagon souvenir et la stèle commémorative sont exposés. Ce site qui a été inauguré le 10 septembre 2012 par le Premier Ministre Jean-Marc Ayrault en présence de nombreux représentants du monde associatif travaillant sur la thématique du devoir de mémoire. Ainsi on a pu noter la présence de Maître Serge Klarsfeld qui travailla de nombreuses années aux côtés de Simone Viel afin de concrétiser ce projet de mémoire en Provence en présence d'Eric de Rothschild et de plusieurs personnalités et témoins.